Taxer la vape dans le cadre du plan budget 2025 du gouvernement français : voilà une bien mauvaise – et dangereuse – idée, alertent les tabacologues. De quoi effacer des années d’avancées dans la lutte antitabagique en France !
Pourquoi taxer la solution ?!
Telle est la question que posent tour à tour les tabacologues français alors que l’Assemblée nationale s’apprête, dans les prochains jours, à analyser la proposition de taxe sur les produits liquides du vapotage, portée par le député centriste Charles de Courson.
En tant que professionnels de santé et de terrain, tous y voient une mesure infondée, qui mettrait en péril le sevrage tabagique de bien des Françaises et Français.
« Taxer fortement la vape (premier produit utilisé en France pour arrêter de fumer) et sous taxer le tabac chauffé (type IQOS) résulte d’amendements de mêmes députés et relève d’une politique (lobbying ?) favorisant la poursuite du tabagisme. C’est une bêtise de non-santé publique »
– Pr. Bertrand Dautzenberg sur Twitter (X), 20 octobre 2024
Avec près de 4 millions de vapoteurs en France, 0 mort, et toujours 12 millions de fumeurs quotidiens, dont 200 morts par jour du tabagisme, il n’y a pas matière à taxer la vape pour le Professeur Bertrand Dautzenberg, tabacologue, ex pneumologue à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière et Président de Paris Sans Tabac.
Ce serait même la plus grave des erreurs rapporte le Dr Marion Adler, tabacologue à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart, dans les Hauts-de-Seine.
« Je le vois chez mes patients. Énormément de gens sont aidés par la vapoteuse, ou cigarette électronique, pour arrêter de fumer […] Et une grande partie des fumeurs préfèrent la cigarette électronique à tout traitement et toute aide. C’est d’ailleurs ce que l’on voit dans les études scientifiques [1] »
– Dr. Marion Adler sur RMC, 23 octobre 2024
Aussi, pour elle, si l’arrivée des substituts nicotiniques, puis leur prise en charge par la Sécurité Sociale, a été une très bonne chose, il faut désormais voir plus loin. Et entendre les besoins des fumeurs : favoriser l’arrêt du tabac ne peut plus se faire aujourd’hui sans l’aide des produits du vapotage.
Non à une taxe préjudiciable aux fumeurs
Si les députés approuvent le fait de taxer la vape, les premiers à en faire les frais seront les fumeurs, rappellent les tabacologues. D’autant plus en sachant qu’une augmentation du prix du paquet de cigarettes n’est pas à l’ordre du jour…
Car si l’amendement vise à instaurer une taxe de 15 centimes par millilitre sur tout produit du vapotage, nicotiné ou non (ce qui représente pas moins de 40 % d’augmentation), il ne s’accompagne, à aucun moment, d’une proposition de hausse des produits du tabac fumé.
De quoi renforcer l’étonnement et l’agacement de ces professionnels de santé.
« C’est totalement aberrant. Clairement, on voit en Angleterre, où le taux de tabagisme est bien inférieur au nôtre, que ce qui a marché ce sont les politiques de santé publique d’augmentation majeure du prix du tabac notamment. On dissuade les gens d’aller vers la cigarette, et surtout, on les persuade de commencer à s’en sortir en mettant à leur disposition des aides et en rendant accessible la cigarette électronique [2] »
– Dr. Marion Adler, RMC, 23 octobre 2024
Et, s’il faut encore des preuves qu’une taxation du vapotage n’amène rien de bon, les pays voisins sont là pour en témoigner. En Italie par exemple, les taxes successives sur les produits du vapotage n’ont eu pour effet que de renforcer le tabagisme au sein de la population, rapporte le Pr. Dautzenberg, cité sur RMC. Avec 100 000 nouveaux fumeurs en plus !
Oui à une vraie politique de lutte antitabagique basée sur la réduction des risques
Plutôt qu’une taxe, les tabacologues réclament donc à nouveau une véritable politique antitabagique, basée sur le principe de la réduction des risques. Et ils ne sont pas les seuls : en novembre 2023 déjà, 25 médecins co-signaient une tribune pour appuyer les recommandations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de soutenir la vape et tout produit de réduction des risques.
Tous en appelaient à « en finir avec la tyrannie de l’idéal [l’abstinence] et proposer ce qui fonctionne déjà à l’étranger […] », en Suède notamment, c’est-à-dire « une approche pragmatique de réduction des risques pour atteindre les objectifs de l’État et réellement servir la santé de nos concitoyens ».
Pour ces professionnels, médecins, addictologues et tabacologues, taxer la vape, ce n’est pas servir la santé des concitoyens. Mais au contraire la détruire un peu plus.
Notes
[1] D’après les conclusions de l’institut Cochrane (résumé d’article et sources consultables sur jesuisvapoteur.org)
[2] Le Royaume-Uni a notamment distribué gratuitement un million de kit de démarrage de vape pour inciter les fumeurs à passer au vapotage : JeSuisVapoteur vous en parle.